«Instrumentaliser l’asile n’apporte rien à personne»

Interview, 19. Oktober 2024: Tribune de Genève; Florent Quiquerez, Charlotte Walser

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Sous le feu des critiques de la droite depuis des mois, le conseiller fédéral socialiste assume sa politique. Sur le dossier européen, il reste optimiste.

Beat Jans, vous êtes depuis janvier le conseiller fédéral chargé de l’asile. Sur une échelle de 1 et 10, à quel niveau vous sentez-vous sous pression?
Je dirais 5. Les conseillers fédéraux sont toujours sous pression. Je le savais avant mon élection. L’important est d’avoir des objectifs clairs, de suivre un cap sans se laisser déstabiliser.

Votre nouveau secrétaire d’État aux migrations est un homme du sérail. Ne fallait-il pas nommer une personne extérieure pour apporter un regard neuf sur le dossier de l’asile?
Notre système d’asile fonctionne bien en principe, mais nous voulons l’améliorer. Je suis heureux que Vincenzo Mascioli soit prêt à assumer cette tâche. C’est une grande responsabilité. Il a l’expérience pour relever ce défi, comme il l’a prouvé avec de très bons résultats par le passé. Son réseau et ses connaissances nous seront utiles. Je suis convaincu qu’il est l’homme de la situation.

Berne vient d’expulser dans leur pays d’origine deux Afghans condamnés. Comment cela a été possible? La Suisse a-t-elle négocié avec les talibans?
Nous ne communiquons pas sur les détails, mais je peux dire que nous n’avons pas conclu de deal avec les talibans. Dans ce dossier, Vincenzo Mascioli a réussi à surmonter les obstacles qui s’opposaient à ce genre d’expulsion. Cela montre qu’il est capable d’assurer des tâches difficiles.

Prévoyez-vous d’autres expulsions?
Oui. Une quinzaine de cas sont en discussion. Il s’agit de criminels qui ont été condamnés pour des faits graves et qui font l’objet d’une décision d’expulsion.

Que risquent ces personnes dans leur pays? Est-ce que la Suisse respecte encore le principe de non-refoulement?
Oui, absolument. Il est important de savoir que ce sont les tribunaux qui vérifient – lors d’une décision de renvoi – si les droits de l’homme sont bel et bien respectés. Ces derniers ne sont pas négociables.

Envisagez-vous aussi des expulsions vers la Syrie? D’autres pays y songent.
Nous sommes en train d’examiner si cela est possible, pour les délinquants condamnés. Jusqu’à présent, ces renvois n’étaient pas encore possibles, là aussi en raison d’obstacles pratiques, comme la sécurité des policiers.

Lors de la dernière session, le Conseil national a voté la fin du regroupement familial pour les requérants d’asile admis à titre provisoire. Est-ce la fin de notre tradition humanitaire?
La tradition humanitaire de la Suisse est très importante pour moi. Cette proposition contrevient tant à notre Constitution qu’au droit international. J’ai moi-même deux filles. Je peux entendre qu’il y ait une volonté de durcir les règles pour les personnes admises à titre provisoire. Par contre le droit au regroupement familial doit continuer à être garanti.

La Pologne a annoncé cette semaine qu’elle suspendait le droit d’asile. Est-ce le début de la fin de la Convention sur les réfugiés?
Je ne l’espère pas. L’annonce de Donald Tusk (ndlr: premier ministre polonais) est une réaction à la situation migratoire très compliquée qui se joue à la frontière avec la Biélorussie. La Russie instrumentalise les migrants pour qu’ils la franchissent illégalement afin de déstabiliser les pays occidentaux. Le Conseil fédéral le condamne avec la plus grande fermeté. Néanmoins, nous attendons – et je dis «nous» parce que cela est partagé par mes collègues européens – que la Convention de Genève sur les réfugiés soit respectée. Certains dirigeants et même des terroristes veulent que nous abandonnions nos valeurs. Nous ne devons jamais céder à ces pressions.

Le discours sur l’asile se durcit partout en Europe. Comment l’expliquez-vous?
Je vois deux raisons. D’abord, la guerre en Ukraine, qui a poussé de nombreuses personnes à se réfugier en Europe occidentale. Cela a pesé partout sur les structures d’accueil et les collectivités publiques. L’autre raison est une certaine fébrilité politique. Avec le Pacte européen sur l’asile et la migration, l’Europe a toutefois pris des décisions importantes qui contribueront à améliorer le système. Il s’agit maintenant de les mettre en œuvre.

En Europe, certains veulent déjà aller plus loin. L’Italie a décidé d’externaliser les procédures d’asile en Albanie. Est-ce un modèle à suivre?
Nous l’observons. Mais on voit que ce mécanisme engendre d’autres défis. L’Italie doit rapatrier tous les cas d’asile rejetés en Albanie, si elle ne veut pas que ces centres soient surchargés. Il y a donc des problèmes très concrets et pratiques qui se posent à leur tour. De plus, un tribunal italien a récemment décidé que les douze premiers demandeurs d’asile ne pouvaient pas être retenus en Albanie et devaient retourner en Italie. C’est dire la complexité des questions juridiques que cela soulève.

Votre politique d’asile est fustigée par l’UDC. Mais vous attendiez-vous à être critiqué par le PLR?
Mon rôle n’est pas de juger la politique des partis, mais de proposer des solutions concrètes. Ces dernières doivent être réalisables et s’inscrire dans le cadre de notre Constitution. Et nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir.

C’est-à-dire?
Nous sommes nettement en avance sur les pays européens sur plusieurs questions. Les chiffres de l’asile sont en baisse: moins 40% de demandes en septembre sur un an. De même que les cas en suspens: moins 25% en une année. Malgré cela, le nombre de retours continue d’augmenter. L’introduction d’une procédure en vingt-quatre heures fonctionne. Il y a nettement moins d’incidents dans les centres d’asile. Nous avons deux fois moins d’interceptions irrégulières à la frontière que l’année dernière. La situation sécuritaire à Boudry et Chiasso s’est également améliorée.

Ça n’empêche pas vos adversaires de vous attaquer. Le dossier de l’asile ne repose donc plus sur des faits, mais sur des thèses?
Seuls les faits m’intéressent. La population – à gauche comme à droite – nous demande de trouver des solutions qui fonctionnent. Le fait est également que de nombreuses personnes arrivent chez nous dans le besoin, notamment des enfants, des jeunes et des familles. Les fake news, l’alarmisme et la peur n’impressionnent pas le Conseil fédéral. La polarisation est instrumentalisée sur l’asile, mais ça n’apporte rien à personne.

Est-ce qu’en adoptant très tôt une position ferme et sécuritaire sur ce dossier, vous n’avez pas poussé vos adversaires à durcir leur discours?
Ma politique d’asile est humaine, pragmatique et sans tabou. Et cela, toujours dans le cadre de la Constitution. C’est d’autant plus important que, ces dernières semaines, des valeurs de notre Constitution ont été mises sous pression et ne sont pas négociables.

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